Le monochrome signifiant "une seule couleur" est survenu à différentes époques. C'est une pratique artistique, rejetant l'art traditionnel et dont le principe est de réaliser une oeuvre à partir d'une seule couleur, nuance et valeur. Il en existe de toutes sortes au niveau des tailles, de la brillance, des couleurs, de la texture et des matériaux utilisés.
Les monochromes apparaissent d'abord dans quelques ouvrages illustrés de la fin du XIXeme siècle:
En 1854, Gustave Doré publie l' Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie, un pamphlet à visée politique et comique, dans lequel le graphiste se moque de l'histoire de la Russie. Dans l'ouvrage, qui ressemble à une bande dessinée, on peut repérer certaines vignettes entièrement blanches ou noires, ainsi que des taches rouges qui illustrent le texte.
En 1897, Alphonse Allais sort Album Primo-avrilesque, un ouvrage bibliophilie comprenant septs aplats monochromes, format à l'italienne (14,5 x 7 cm chacun), illustrant des jeux de mots. Je vous invite à les voir tous en cliquant ici.
Yves Klein, en 1954, révèle son intérêt pour le monochrome dans son ouvrage parodique Yves Peintures, dont la préface, signée Pascal Claude, est composée de lignes noires à la place du texte. Les monochromes sont des rectangles unicolores découpés dans du papier et collés avec une mention en bas de la ville dans laquelle il a été fait et d'une signature de l'artiste.
En peinture, selon Kasimir Malévitch, peintre russe suprématie, le monochrome Carré noir sur fond blanc représente un passage vers l'infini, l'essentiel, l'absolu, le sacré. Il ira plus loin en intégrant dans un monochrome blanc, un autre monochrome blanc. L'idée étant de rendre visible l'invisible. Mais proprement dit, ce ne sont pas vraiment ses deux oeuvres ne sont pas de véritable monochromes car le carré noir est délimité par une bordure blanche, et dans la seconde oeuvre, il utilise deux nuances de blanc.
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Carré noir sur fond blanc (1913) |
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Carré banc sur fond blanc Kasimir Malevitch, 1918. |
Voici d'autres oeuvres qui ne sont pas réellement des monochromes mais qui s'en rapprochent:
Les toiles de Barnett Newman ressemblent à des monochromes si l'on mettant à part ses zip (lignes verticales).
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Midnight Blue, Newman, 1970 |
Mark Rothko pratiquait aussi le Colorfield comme Barnett Newman. Cette technique se rapproche de l'idée du monochrome.
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Untitled Mural for End Wall, Rothko , 1959
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A travers le monochrome, Alexander Rodtchenko recherche l'image la plus pure et universelle. Il veut libéré la couleur de toute finalité.
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Rouge pur, Alexander Rodtchenko, 1921
Jaune pur, Alexander Rodtchenko, 1921
Bleu pur, Alexander Rodtchenko, 1921
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Mais revenons à Klein, très célèbres pour ses recherches de monochrome. Selon lui, la couleur seule peut profondément affecter son public, et atteindre une sensibilité pure.
En 1956, il limite ses recherches au bleu, symbole de la pureté, de noblesse, d'espace, l'immatériel. Le bleu est une couleur qui lévite sur les murs et absorbe le spectateur. L'artiste va même concocter une résine synthétique afin de conserver aux pigments outre mer bleu, leur luminosité. Klein donne sa théorie de l'imprégnation, expliquant que le monochrome est un support psychologique et émotif, même s'il n'est composé que d'une seule couleur, peut être interprété différemment selon les spectateurs.
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Monochrome bleu (IKB 3), 1960 Pigment pur et résine synthétique sur toile marouflée sur bois 199 x 153 x 2,5 cm |
En 1959, le monochrome permet aussi à Klein de matérialiser l'immatériel tels que la lumière grâce à la couleur or.
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MG8 Monogold sans titre, Yves Klein, 1962 |
Il garde également de côté le rose, représentant la chair.
Chacunes de ses oeuvres, bleues, roses ou or ne sont jamais les même car Klein accordait aussi de l'importance à la matière.
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Monochrome und Feuer. 1961 |
Robert Rosenberg est connu pour ses White Paintings, des toiles laissées blanches qui sont à la fois des monochromes et des ready-made. Rosenberg réfléchissait à ce qu'était une oeuvre art, et à son but. Le blanc sert à refléter son environnement et les événements du monde, dès lors une oeuvre peut servir à réfléchir.
Il créera aussi une série de Black Paintings.
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Robert Rauschenberg, White Painting, 1951 |
Ad Reinhardt suivait une tout autre logique: l'art n'exprimant rien, l'art comme rien. Provocateur, il exprime sa négation au début des années 60 avec les Ultimate Paintings, des tableaux tous noir, de la même taille, çarrés.
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Ad Reinhardt suspend ses peintures (Ultimate Paintings), 1966, NY |
LE groupe ZERO, né en 1957 à l'initiative de Heinz Mack, Günter Uecker et Otto Piene, rassemble des artistes très divers dont Lucio Fontana, Piero Manzoni, Yayoi Kasama, Yves Klein dont la vocation est de faire table rase afin de recréer un autre langage plastique privilégiant la série, le monochrome, l'installation et la performance.
Heinz Mark s'intéressait principalement à la lumière et au reflet. Il réalise en 1967 "Sonne des Meeres", une sorte de monochrome en aluminium dont la texture fait pensé au velours, qui évoque à la fois la lourdeur et la légèreté, le mouvement et la fixité.
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Sonne des Meeres (Rotateur de lumière, soleil de la mer), Heinz Mack, Lichtrotoren, 1967. Aluminium, 143 x 143 x 17 cm |
Enrico Castellani s'interresse au monochrome comme objet. Il réalise en 1964 un monochrome blanc en relief qui s'insère entre deux murs.
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Superficie angolare bianca n°6 (Superficie angulaire blanche n°6), Enrico Castellani, 1964 |
Piero Manzoni crée de peintures-sculptures sans couleur appelé Achromes en utilisant des matériaux de récupération à la manière du ready made.
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Achrome, 1961 |
Roman Opalka montre à travers ses monochromes blancs le temps qui passe en inscrivant un suite de chiffres avec un pinceau très fin. Dans l'oeuvre Opalka 1965/1 à l’infini, détail, il va de 1 jusqu'à 35327.
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Opalka 1965/1 à l'infini, détail 3307544-3324387, 1965-1982 |
Pierre Soulages s'intéresse seulement au noir en tant que texture, que fond et associé aux autres couleurs.
Il peint ce qu'il appelle de l'"Outrenoir", c'est à dire ce qui dépasse même le noir en travaillant la matière.
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Peinture 202 x 453 cm, 29 juin 1979, 1979 |
D'autre artistes contemporains ont cherché à utilisé d'autres matériaux de base afin de faire des monochromes:
Fabrice Hyber réalise un monochrome de un mètre carré recouvert de rouge à lèvre.
Dans cette oeuvre imposante de Vincent Ganivet, intitulée MK 5, le monochrome prend tout son sens à travers sa technique de réalisation: il a été entièrement peint à grands coups de fusées de détresse, d'où cette couleur rouge poudreuse de fumigènes.
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Vincent Ganivet, MK 5, 2010. Projection de fumigène de détresse sur toile. 2m. x 3m |
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